Gabriel Fauré
Rencontre
J'étais triste et pensif quand je t'ai rencontrée
Je sens moins aujourd'hui mon obstiné tourment;
Ô dis-moi, serais-tu la femme inespérée
Et le rêve idéal poursuivi vainement?
Ô, passante aux doux yeux, serais-tu donc l'amie
Qui rendrait le bonheur au poète isolé
Et vas-tu rayonner sur mon âme affermie
Comme le ciel natal sur un coeur d'exilé?

Ta tristesse sauvage, à la mienne pareille
Aimе à voir le soleil décliner sur la mеr!
Devant l'immensité ton extase s'éveille
Et le charme des soirs à ta belle âme est cher;
Une mystérieuse et douce sympathie
Déjà m'enchaîne à toi comme un vivant lien
Et mon âme frémit, par l'amour envahie
Et mon coeur te chérit sans te connaître bien!